> Les Cahiers n°5 sont sortis depuis le 22 février 2020. Les prochains Cahiers pourraient sortir à l'automne 2024. Les numéros 2, 3 et 4 sont toujours disponibles, contrairement aux Premiers Cahiers épuisés. En vente sur Carmaux ou par correspondance en nous envoyant un courriel à histoireetpatrimoineducarmausin@yahoo.fr.
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Restauration de la croix du cimetière de Rosières datant du XIIIème siècle

Réalisation bénévole par des membres 
de l’association « Histoire et Patrimoine du Carmausin » : 
Anne Marie Bories, Jean Picard, Avélino Diaz, Didier Benoit.
     Les croix sont de multiples natures : Croix de chemins, croix commémoratives, croix de sépulture. Il s’agit ici d’une croix d’autel anépigraphe. Cette croix du cimetière de Rosières a probablement subi de nombreux déplacements et métamorphoses avant de se retrouver à cette place et dans cet état.


     Elle apparaît aujourd’hui en deux parties distinctes. Un liant de ciment sert de joint à la jonction des deux pierres. Seule la partie haute (Christ en croix) existait primitivement. En effet avant d’occuper une place dans le cimetière (3), cette croix  était vraisemblablement une pierre d’autel. La croix initiale est taillée dans un bloc de pierre de grès rouge violacé provenant des carrières de Salles sur Cérou.

     Sa dernière métamorphose à consisté à la rehausser. On a utilisé, pour faire la colonne, un matériau d’une autre provenance. Il s’agit de pierre de grès rouge orangé de Saint Benoit de Carmaux. Une tige en fer assure la stabilité et garantit la jonction jambage / croix.

    Si la modernité présente la crucifixion comme expression de la passion du Christ c'est-à-dire comme souffrance librement subie, c’est ici un Christ d’espérance – C’est un visage poupin presque enfantin, dans une représentation naïve. Art naïf – art populaire : les qualificatifs ne manquent pas pour exprimer cette sculpture de facture archaïque.
     C’est ici un christ vainqueur de la mort, porteur d’espérance, un christ de joie. Antérieurement au XIIIème il semblerait que l’accent ne soit pas mis sur une souffrance rédemptrice expiatrice des pêchés.

     Ce qui choque en regardant cette croix, c’est la belle couleur bleu-nuit de la pierre. Malheureusement ceci s’explique par une forte attaque bactérienne et la présence de lichens sur quasiment toute la surface.
    Il a fallu, munis de pinceaux brosses, masques et lunettes appliquer un biocide à large spectre d’action contre les lichens, bactéries et autres mousses. La solution est portée dans du white-spirit pour ralentir l’évaporation naturelle du produit une fois appliqué sur le support.

     Encore faut-il laisser agir une dizaine de jours puis nettoyer à la brosse tendre et à l’eau déminéralisée.

     Si la tige de fer assure toujours la stabilité de l’édifice, la jonction entre les deux parties pose problème.
     Les zones de contact des pierres avec l’alcalinité des ciments présentent une altération de surface due à la décomposition de leur liant naturel. Nous avons donc piqué et curé les joints. Afin de ne prendre aucun risque nous avons provisoirement consolidé au mastic polyester.
     L’étape suivante est un joint à la chaux mélangé à un agrégat de silice et de pierre de grès broyé à cette jonction croix / pied colonne.

     De plus un délitement important occupe toute la surface arrière de la croix.
    C’est imposé une injection à la seringue d’un liant de chaux micronisée / kaolin / glycérol dans les interfaces des parties délitées.
     Les mesures conservatoires d’abord, les traitements ensuite ont nécessité trois étapes d’intervention et ont duré deux semaines.


     Si ce petit monument ne retrouve pas sa place initiale parions qu’il retrouvera son attrait et son charme initiaux.
Anne-Marie Bories
Le diaporama des différentes étapes de la restauration :
     Notes :
       (1) Ce travail de restauration a été étudié par Elise Rachaize et Stéphane Moreau, deux restaurateurs professionnels spécialistes nationaux des pierres et bois sculptées. La prestation mise en œuvre est respectueuse de l’art de la restauration pratiqué en ce début de troisième millénaire.
     (2) Le treizième siècle marque ici la période ou va cesser la représentation du christ en « gloire », vainqueur de la mort, pour lui être préféré à une image plus expressive de sa passion dont on retiendra la souffrance. Notre croix va donc au delà de cette datation. Le XII ème siècle est celle que des spécialistes et des historiens retiennent.  Pour cette période la ville de Rosières possède une autre croix de ce type que l’on peut voir au bourg. Cette croix demande aussi une intervention urgente. Ces deux croix sont aujourd’hui des pièces  uniques dans notre région.
     (3) En 1925, lors de l’agrandissement du cimetière la croix sera déplacée pour occuper son nouveau centre. C’est à ce moment là qu’elle sera surélevée avec un pied colonne. Auparavant elle marquait le centre du vieux cimetière à côté des tombes des anciens châtelains, les Fournials et de celle de leurs régisseurs, les Bleys.             
      (4) Cette croix a été en Août 1993 restaurée sur la demande d’un paroissien. Les travaux ont été réalisés par l’entreprise Chevrin-Géli, entreprise conseillée par le directeur des ABF alors en place.  Récemment un emplâtre de ciment a été appliqué pour reconstituer la partie arrière manquante de la croix, sans aucune autorisation de la part de la mairie. Dans tous les cas cette dernière intervention n’est en rien responsable de l’état actuel de cette croix. Son délitement n’est du qu’à une étape naturelle de son long vieillissement.
      (5) La pierre du pied-colonne qui supporte la croix est celle aujourd’hui  qui pose le plus de problème de part sa fragilité. Une surveillance continue devra  garantir son évolution. La mise en place d’un double cerclage apporterait une certaine tranquillité. 


Remerciements :
  •  Alain Astié, maire de Rosières.
  • Jacques Castagné, historien local.
  • Lise et Stéphane Rachaize-Moreau, restaurateurs, pour leur complicité et la préparation des produits employés.

Didier Benoit

Les lycées de Carmaux, une histoire épique

Les lycées « Jean-Jaurès » et « Michel-Aucouturier » situés dans la commune de Blaye-les-Mines, communément appelés Lycées de Carmaux, trouvent leur existence dans une longue histoire de l’enseignement qui, dans le Carmausin, s’est échelonnée sur un peu plus de cent ans. De fait, leur construction, pour récente qu’elle soit, n’a d’autres origines que celle de son ancêtre, une école primaire qui vit le jour à Carmaux à la fin du XIXème siècle.
A cette époque, dès son élection en 1892, décision fut prise par le premier maire socialiste de Carmaux, de lancer un vaste programme de constructions d’écoles laïques pour concurrencer les établissements scolaires d’obédience catholique déjà existants, « La Tour », « Le Couvent », « Le Sacré-Cœur » et « La Croix-Haute » édifiés par la famille Solages, propriétaire séculaire des mines de charbon de Carmaux.

L’école Victor Hugo
Après deux ans de travaux, l’école Victor Hugo ouvrit ses portes le 1er octobre 1895, rue Francisco Ferrer dans le quartier de l’Occident à Carmaux. Les garçons y préparaient le Certificat d’Etudes comme les filles à la maison Thénégal dans le quartier de l’Orient, place Gambetta à Carmaux, avant d’aller travailler … à la mine, pour la plupart.
En 1900, la création du Cours Complémentaire permit à quelques-uns d’échapper à l’inexorable destin. Garçons et filles, Certificats d’Etudes en poches, purent recevoir en deux ans un enseignement primaire dit « supérieur » pour préparer le Brevet Elémentaire qui leur ouvrait les portes des concours d’entrée à l’Ecole Normale, aux Postes, aux Chemins de fer … L’Ecole Victor-Hugo vit alors le nombre de ses élèves augmenter dans des proportions considérables, 400 en 1903. L’enseignement primaire supérieur étant gratuit, ceux qui en avaient les capacités pouvaient espérer devenir instituteurs ou employés, échapper à la mine, à la verrerie… fuir l’inévitable chemin que leurs parents, de génération en génération, avaient pris, contraints et forcés. De facto, l’Ecole Victor-Hugo devint trop petite. En 1906, il fut demandé à Gabriel Camboulives, l’architecte de la ville, de dessiner les plans de son agrandissement.

L’Ecole Pratique
Après la guerre, l’école agrandie prit encore un nouvel essor avec la nomination d’un Directeur dont le nom reste vivant dans la mémoire des Carmausins. Alfred Rivenc naquit à Carmaux dans une famille de mineurs en 1887. Il fut l’un des premiers élèves de l’Ecole Victor-Hugo où il fut nommé instituteur puis directeur en 1924. A l’écoute de la population ouvrière carmausine, il décida de créer des structures destinées à la formation professionnelle des jeunes de la région. Pour ce faire, en accord avec la municipalité, il fit construire des bâtiments jouxtant l’école le long de la rue Victor-Hugo et de la Verrerie. En 1933, l’Ecole Pratique de Commerce et d’Industrie comprenant trois ateliers, d’ajustage, de menuiserie et de forge ouvrit ses portes à une quarantaine d’élèves désireux de parfaire leurs capacités manuelles. A Carmaux, l’enseignement professionnel venait de naître aux côtés de l’Ecole primaire et du Cours Complémentaire à l’initiative d’Alfred Rivenc, Directeur des trois établissements.

Le Collège Technique municipal
D’agrandissements en agrandissements, la guerre passée, l’Ecole Pratique devint Collège Technique municipal le 1er octobre 1946. Alfred Rivenc avait pris la retraite et son successeur Jean Durroux continua l’œuvre du père fondateur. Dès 1950, réservée aux titulaires du Brevet Industriel, une classe préparatoire aux Ecoles Techniques des Mines d’Alès et de Douai fut créée, suivie deux ans plus tard d’une section commerciale mixte préparant au Brevet d’Enseignement Commercial.
D’année en année, les effectifs augmentèrent considérablement. De plus en plus nombreuses étaient les familles prises par l’engouement des études, fières de dire autour d’elles les bonnes notes et les diplômes obtenus par leurs progénitures. A la fin des années 1950, l’Ecole maternelle créée en 1951, l’Ecole primaire, le Cours Complémentaire, le Collège Technique comptaient plus de 700 élèves. L’espace, inextensible, barré par les rues Ferrer, Victor-Hugo, la Verrerie et Sainte-Barbe, devint trop étroit. Il fallut surélever, diminuer l’étendue des cours intérieures en construisant des salles préfabriquées, en se disant qu’il faudra bientôt trouver un terrain hors de la ville, le parc du Pré-Grand peut-être ! De plus, les charges financières consenties par la municipalité devinrent un fardeau de plus en plus lourd à supporter, les livres, les cahiers et les repas étant gratuits ou semi-gratuits.

Gérard Gorgues
L'intégralité de cet article est à retrouver dans notre première publication 
"Les Premiers Cahiers", sortie : fin mai 2012.

Voyage du patrimoine dans le Carmausin : La Renaissance

   La Renaissance, d’influence italienne, s’étale en France sur une période allant du XV° au XVI° siècle (François  Ier - Henri IV) ; elle est à l’origine, notamment, des grandes découvertes (Amérique), des châteaux véritables palais (Vallée de la Loire), de la langue française utilisée par l’administration et dans l’enseignement du droit. L’esthétique, à cette époque, prévaut sur la nécessité de défense et de protection.

   Proche du Carmausin, les caractéristiques de la Renaissance sont particulièrement visibles à Albi : maisons riches en pierres et briques, fenêtres à  croisées et meneaux (Hôtel Reynès) et maisons bourgeoises ou de marchands avec panneaux de briques encadrés de bois, le premier étage surplombant la rue Timbal. Ces constructions se situent à une époque des plus brillantes de la Renaissance en Albigeois.

  Plus près de Carmaux, sous l’épiscopat de Louis d’Amboise (1474-1502), le Château de Combefa, (proche de Monestiés s/ Cérou), austère forteresse fut transformé en palais avec de nombreuses salles et pièces ainsi que l’adjonction d’une chapelle contenant la célèbre Mise au tombeau, le tout dans le pur esprit de la Renaissance. Un bien patrimonial aussi prestigieux vit séjourner de grands personnages de l’Histoire de France : Henri IV - Richelieu ... avant son abandon et sa démolition pratiquement totale, subsistent uniquement quelques tourelles d’angle et les restes de la tour Médicis.

   A Carmaux enfin, non loin de la rue du Moulin se trouvent les restes d’un château fort, entouré de quelques maisons (quartier de La Tour), ayant survécu à sa démolition quasi totale. Subsiste un bâtiment en mauvais état se situant aux environs du XV° siècle, ancien moulin Pailhès. Le bâtiment comprend entre autres de magnifiques fenêtres à croisées et meneaux. Dans le même secteur, ancienne Maison Blanche, il est possible de voir, côté parc à partir de la rue du Moulin, la façade d’une habitation et remise en torchis avec encadrements de bois en très bon état. Rue du Gaz (ancienne ferme Cluzel) est également visible une construction à colombages parfaitement conservée. On est bien loin des châteaux forteresses avec meurtrières et échauguettes ; c’est le témoignage restant de l’esprit Renaissance à Carmaux.

Maison à colombages, rue du Moulin à Carmaux

   Malgré les atrocités de la Guerre de Cent Ans, le midi de la France, l’Albigeois et le Carmausin connurent grâce à des périodes de paix, la disparition progressive de la société de type féodal sous l’influence d’un humanisme conduisant à l’esthétique plutôt que vers la défense et la sécurité. Il en résulta un enrichissement architectural et une amélioration sensible du patrimoine immobilier.

Cette note sera intégrée à une étude plus complète de Jean Picard sur le voyage du patrimoine immobilier dans la région de l'Antiquité à nos jours.